Fabe/Echl’ éron

Ches fabes éd La Fontaine érterduites in Picard d'Ât;


vir:

Patwas d'Ât'




Jean de La Fontaine, Fabe V, Live VII.

L’ éron - L’ fîe éditer

In joû, su sès longues pattes, s’ é dalwat ène saju,

L’ éron, long bèc, long cou, si longs qu’ il a so.u.

Il ètwat tout conte d’ ène riviêre.

Yô ètwat come d’ yô d’ roche, come ô pus biô dès joûrs,

Èt no coumère eùl carpe i fèswat pus d’ mile toûrs

Avèc in brocheut eùs’ compére.

No-n-éron d’ arwat fé tout facile eùs’ profit .

I-z-ètin’të d’lé l’ bôrd; l’ mouchon n’ avwat qu’ à prène.

Il a pésseu mieûs fé d’ atène

D’ avwâr ène mîle pus d’ apétit.

C’eùt qu’ i fèswat réjime, èt minjwat à sès eûres.

Pus târd l’ apétit v’nant, eùl grand èt biô mouchon,

Gneu lon du bôrd, a vu dés l’ fond

In monchô d’ bèlès tanches, toutes vîvantes èt bieu meûres.

C’ ètwat gneu bran.mét s’ goût : I s’ atèdwat à mieûs,

Pasqu’ i fèswat souvét l’ naxieûs,

À l’ monde d’ eùl rate d’ eùl bone barbiche. (*)

" Mi, dès tanches ! " qu’ il a dit, " mi éron, quë j’ daliche

Minjeu aveu du mniâje ? Mès pou qui ç’ qu’on m’ prét, don ? "

Eùl tanche dëmeure à yô. I dègote in goujon.

" Du goujon ? Ç’eùt bieu là eùl din.neu d’ in éron !

J’ dirwa ouvêr eùm’ bèc pou cha ! Jamés d’ la vîe ! "

L’ a ouvri pou bieu mwins : tout a daleu, adon,

Qu’ i n’ a pus vu in fâde pichon.

Mès l’ fin rvënant il a bieu d’vu passeu s’ n’ anvîe

É n’ minjant foc’ in m’ptit lumchon.

I n’ fôt gneu ète trop dificile :

C’eùt co lès pus malins, lès ciuns qui sont faciles;

On a bèle dë tout pièrde, à volwâr trop gan.gneu.

Èt n’ daleuz rieu dèmèpriseu,

D’ ôtant quand vos aveuz rçu à pô preus vo conte.

Bran.mét dès jés sont pris. C’eùt gneu à lès-z-érons

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Le Héron éditer

Un jour, sur ses longs pieds, allait je ne sais où,

Le Héron au long bec emmanché d’un long cou.

Il côtoyait une rivière.

L’onde était transparente ainsi qu’aux plus beaux jours ;

Ma commère la carpe y faisait mille tours

Avec le brochet son compère.

Le Héron en eût fait aisément son profit :

Tous approchaient du bord, l’oiseau n’avait qu’à prendre ;

Mais il crut mieux faire d’attendre

Qu’il eût un peu plus d’appétit.

Il vivait de régime, et mangeait à ses heures.

Après quelques moments l’appétit vint : l’oiseau

S’approchant du bord vit sur l’eau

Des Tanches qui sortaient du fond de ces demeures.

Le mets ne lui plut pas ; il s’attendait à mieux

Et montrait un goût dédaigneux

Comme le rat du bon Horace.

Moi des Tanches ? dit-il, moi Héron que je fasse

Une si pauvre chère ? Et pour qui me prend-on ?

La Tanche rebutée il trouva du goujon.

Du goujon ! c’est bien là le dîner d’un Héron !

J’ouvrirais pour si peu le bec ! aux Dieux ne plaise !

Il l’ouvrit pour bien moins : tout alla de façon

Qu’il ne vit plus aucun poisson.

La faim le prit, il fut tout heureux et tout aise

De rencontrer un limaçon.

Ne soyons pas si difficiles :

Les plus accommodants ce sont les plus habiles :

On hasarde de perdre en voulant trop gagner.

Gardez-vous de rien dédaigner ;

Surtout quand vous avez à peu près votre compte.

Bien des gens y sont pris ; ce n’est pas aux Hérons

Que je parle ; écoutez, humains, un autre conte ;

Vous verrez que chez vous j’ai puisé ces leçons.



 

Chites intarnètes éditer